Slash / Art

Compagnie d'arts vivants et collectif d'artistes slashers

"Y Olé !", de José Montalvo

Intégrer des danses venues d’horizons différents et notamment amener le hip hop sur scène à une époque où ce style était encore peu perméable à la danse contemporaine : voilà la marque de fabrique de Montalvo. Le chorégraphe mélange les techniques de danse, les rythmes, les musiques et les influences. Son dernier spectacle présenté au Palais de Chaillot en Janvier, Y Olé !, s’impose comme un bel exemple de métissage des arts et d’engagement politique : flamenco, danse classique, contemporaine, africaine, hip hop et projection vidéo se rencontrent.

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La première partie du spectacle s’attaque à un monument de musique incontournable, devenu un rite de passage pour tous les grands chorégraphes : le Sacre du printemps. La beauté, la fabuleuse rythmique ainsi que l’énergie inépuisable qui se dégagent de cette œuvre permettent au chorégraphe de nous offrir un feu d’artifices, une célébration de la vie. Les danseurs rentrent et sortent en flots continus. Les techniques s’entremêlent, les couleurs aussi. Se forment et se déforment des couples dont les couleurs parfois s’assemblent et parfois non, des couples dont les techniques de danse sont les mêmes et parfois non. Les danseuses de flamenco, puissantes, mènent la danse avec leurs talons et leur fougue. Les hip hopeurs quand à eux flottent, deviennent liquides et semblent même voler. Les autres danseurs se meuvent avec grâce et énergie. Intense, la première partie laisse les danseurs et les spectateurs à bout de souffle, hypnotisés. 

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La deuxième partie du spectacle semble plus aléatoire, expérimentale. Elle fait basculer dans un ailleurs, sur les chants traditionnels italiens, français, africains, des rythmes flamenco que le chorégraphe entendait, enfant, dans les fêtes flamencas avec ses parents, réfugiés politiques espagnols qui avaient fui le franquisme. Y Olé ! leur est dédié. Les obstacles du quotidien de réfugiés ne les ont pas empêché de vivre des moments heureux à travers ces fêtes flamencas. 

Y Olé ! est éminemment politique. Dans une période où les réfugiés syriens semblent subir un sort pire encore que celui des réfugiés espagnols dans les années 30, on ne peut s’empêcher de réfléchir à l’actualité et à notre rôle de citoyen. Projetés sur le mur, une barque de réfugiés s’invite et fera très vite écho à la barque installée sur scène dans laquelle se retrouvent les danseurs à la fin. 

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José Montalvo construit ses pièces comme un plaidoyer pour une esthétique et une éthique métisses. Il prouve une fois de plus la force et la beauté du métissage, de l’acceptation de toutes les origines et de toutes les cultures qui se nourrissent et évoluent. Le repli sur soi ne devrait pas être une option. 

"Cyrano de Bergerac", par Dominique Pitoiset

Que diable faisait ce jukebox sur scène ? Les critiques et les affiches nous avaient avertis. Il ne restait de qualificatif plus alléchant, « dément » ; « inattendu », « triomphal », « émouvant » « fabuleux ». La mise en scène de Cyrano de Bergerac par Dominique Pitoiset est applaudie à unanimité, affiche complet et ses acteurs et spectateurs s’unissent au salut avec autant de fougue et de générosité qu’ils se sont embarqués dans cette épopée de 2h40.

Que diable faisait ce jukebox sur scène ? La mise en scène de Cyrano dans un hôpital psychiatrique est une entrée déroutante dans cette mise en abyme si bien connu du public français. Au premier vers, déroutés, le parterre cherche du bout du nez, celui qu’il est venu voir. On met le cap sur la tirade à la péninsule et déjà la mémoire s’engaillardit à réciter « à la fin de l’envoi, je touche ». Le public est piqué au vif, tantôt sur le bord de son siège suspendu au verbe de Cyrano, tantôt à rire sans vergogne en compagnie d’un bon ami que l’on retrouve.

Que diable faisait ce jukebox sur scène ? Les acteurs sont exceptionnels et contemporains. Des monstres de notre quotidien, le beau, la belle, le vantard et son coquet tous dépouillés de leur chapeau à plume pour se retrouver en jogging, marcel et pull à fermeture éclair. En voici un, on en connaît tous un, qui se gratte les bourses et un autre qui offre sa bourse sans compter pour bien s’entourer. Ah Cyrano ! Ce que tu me plais en survêt, le crâne rasé. Tu ne perds pas ta moustache, appendice au moins aussi caractéristique que ton pif. Le jeu de la troupe est parfaitement chorégraphié et leurs gestes et costumes sont authentiques ; c’est un hommage aux métiers du théâtre et un éloge à l’imagination.

 

Que diable faisait ce jukebox sur la scène du Théâtre de la Porte Saint-Martin, la même où Cyrano de Bergerac fut joué pour la toute première fois en 1897, un 27 décembre. Un retour au bercail donc pour cette pièce qui a su évoluer avec son temps et qui se dresse en hymne à la bravoure, à l’intégrité, à l’indépendance, à l’amour et à l’esprit. C’est une performance olympienne que réalise Philippe Torreton dans le rôle titre de Cyrano de Bergerac. Dans la peau de ce Hercule il est récompensé du prix Molière du Meilleur Comédien, Prix Beaumarchais de la Critique en 2014. Si gourmand et généreux qu’on le dirait gargantuesque, il manie les illustres tirades avec une dextérité sans faille. On retient également l'éloquente Julie-Anne Roth dans le rôle de Roxane et surtout l’incontournable et renversante Yveline Hamon qui assure non seulement les autres rôles féminins de la duègne et de Lise de Ragueneau mais aussi intégrera sans accroc la compagnie des cadets de Gascogne.

Et ce jukebox ? Il est clé de voûte de la jeunesse et de la modernité de la pièce. Le jukebox anime ce bal émouvant, où l’intégrité fait rocker les courtisaneries, les préjugés et les lâchetés. C’est par le Jukebox que l’on rend un hommage à Alain Bashung alors que l’irréductible mourant présente à son public en souriant, sans un pli et sans une tache…. Son panache.

Du 2 février au 17 avril 2016, au Théâtre de la Porte Saint-Martin (Paris 10), du mardi au vendredi 20h, samedi 20h30, dimanche 17h. Tarifs de 10€ à 40€, selon catégories.